Les Maisons familiales rurales ont, dès leur origine, voulu permettre à chaque femme et à chaque homme de réussir non seulement leur développement intellectuel ou leurs activités professionnelles mais également leur vie personnelle, familiale, culturelle ou sociale. Pour ce faire, les Maisons familiales orientent leur travail pour essayer de considérer la personne dans son présent et son devenir, solliciter la responsabilité, donner des repères, faire confiance, éveiller la curiosité, développer l’autonomie. Qu'est-ce qu'une MFR ? MAISON les élèves vivent ensemble, en internat, apprennent à se connaître et participent à la vie de l’établissement. Ce dernier reste à taille humaine avec des effectifs réduits. FAMILIALE les parents sont responsables du fonctionnement de l’association et impliqués dans l’éducation de leur enfant. RURALE les structures MFR sont plus souvent situées au cœur de l’espace rural. Elles s’impliquent ainsi dans le développement des territoires. Quel est le statut des MFR ? Chaque Maison Familiale Rurale est une association loi 1901 qui réunit des familles mais aussi des professionnels, des élus et des responsables locaux. Ses objectifs principaux sont de concourir à l’éducation, à la formation par alternance des adolescents et des adultes, à leur insertion professionnelle et de favoriser par là même un développement durable de leur territoire. Les MFR ont un projet précis qui leur donne un cadre d’actions. QUELLE EST LA PEDAGOGIE DES MFR ? Les Maisons Familiales Rurales se caractérisent par leur pédagogie originale et leur approche éducative singulière. Elles associent la formation générale et la formation professionnelle en étroite relation avec les réalités du terrain, l’accueil en internat et en petits groupes, le suivi personnalisé des élèves, l’implication des parents et des entreprises, l’émergence du projet de chacun, le rôle d’accompagnateur des formateurs. QUELS SONT LES OBJECTIFS DES MFR ? De former des jeunes ou des adultes De les accompagner vers une insertion sociale et professionnelle réussie De favoriser un développement durable des territoires où elles sont implantées POURQUOI LES MFR SONT DES ECOLES DIFFERENTES ? En France, dans une Maison Familiale Rurale, on recense, en moyenne, 180 élèves qui ne sont pas tous présents en même temps du fait de l’alternance une partie des élèves sont en entreprise pendant que les autres sont à l’école et 17 salariés. L’établissement compte environ 75 places en internat où l’accompagnement éducatif est important. Les élèves sont suivis par des formateurs des moniteurs qui assurent différentes activités enseignement, animation, visites de stage... LES FORMATIONS PROPOSEES DANS LES MFR SONT-ELLES RECONNUES ? Chaque Maison Familiale Rurale est un établissement scolaire associatif qui propose des formations par alternance à tous les niveaux de l’enseignement professionnel 4ème, 3ème, secondes, CAP, Bac Professionnel ou Technologique, BTS .... Les jeunes ou les adultes présents dans les MFR sont Soit des élèves sous statut scolaire dépendant du Ministère de l’Agriculture Soit des apprentis dans des formations de l’Éducation Nationale, jeunesses et sport, titre professionnel Soit encore des stagiaires de la formation professionnelle
Montréal le 29 septembre 2021 – C’est avec désolation et avec en pensée 5 orphelins et tous les proches d’Andréanne Ouellette que l’Alliance des maisons d’hébergement de 2 e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2) constate un 15 e féminicide cette année. Alors que nous rédigions, il y a quelques jours, nos questionnements
1Dans Son Livre, paru en 2011, Dionigi Albera critique un certain nombre de notions classiques des études sur la parenté comme celles de famille, ménage, famille nucléaire, famille communautaire et, particulièrement, celles de famille souche et de maison », quasi-personnages » qui ont été essentialisés par les chercheurs. Albera démonte les origines idéologiques réactionnaires et autoritaires de la conception de la maison » paysanne transmise à un héritier unique, tant en France qu’en Autriche, en Allemagne et en Suisse. Cette vision substantialiste d’une forme domestique paysanne dirigée par un chef de famille omnipotent, et d’une unité de production et de consommation à tendance autarcique, a été inconsidérément étendue et appliquée à de multiples contextes. La notion de maison » charrierait désormais de tels présupposés liés au cadre narratif implicite qui est le sien qu’elle serait devenue un obstacle épistémologique favorisant irrémédiablement une essentialisation du réel » Ibid. 62 ; il vaudrait donc mieux s’en passer. Albera préfère construire son propre outillage conceptuel à partir d’analyses denses, locales et contextualisées, dont la généralisation ne peut se faire que progressivement et dans une aire géographique limitée. C’est ainsi qu’à partir d’études concernant les Alpes autrichiennes, il construit l’idéaltype Bauer », système de relations centrées sur le domaine transmis intégralement d’une génération à l’autre », dans lequel [l]e rôle public du détenteur d’un domaine est à la base de l’articulation sociale de la communauté » Ibid. 475. 1 Les communications en ont été publiées cf. Minard et al. 2002. 2 André Burguière 1986, 2006 voit dans l’anthropologie historique le simple accomplissement du prog ... 3 Pour une synthèse des remises en cause et des évolutions de l’anthropologie de la parenté, cf. Chan ... 2La force critique et épistémologique du livre de Dionigi Albera est grande, mais l’auteur est le premier à remarquer que, derrière le type Bauer », se retrouvent les éléments fondamentaux de la maison » telle qu’elle a été élaborée et reconnue par les anthropologues dans de nombreuses sociétés à travers le monde. Ne pourrait-on pas alors penser qu’il s’agit bien d’une structure fondamentale parmi les organisations domestiques ? Cet article ne prétend pas répondre à cette question, mais explorer une autre voie pour désessentialiser » le terme de maison », une voie critique interne, reprenant l’historique de ses usages, tant en anthropologie qu’en histoire. Il y a là un moyen de participer au renouveau d’une interdisciplinarité dont les intervenants à la table ronde organisée en 2002 par la Société d’histoire moderne et contemporaine, intitulée Histoire et anthropologie nouvelles convergences ? »1, s’accordaient à souligner la richesse, mais aussi les difficultés. Il est vrai que, objet de nombreux travaux dans les années 1970-1980, l’anthropologie historique n’a pas porté tous les fruits escomptés, notamment parce que les définitions larges qui en ont été données par ses plus fervents promoteurs2 ont pu contribuer à la ramener à une question d’objets et d’articulations d’échelles, sans appropriation ou discussion véritables des concepts anthropologiques. Plus encore, dans le domaine important de la parenté, le dialogue entre histoire et anthropologie s’est fait à contretemps comme le remarquait Michel Nassiet 2002 lors de la table ronde, les historiens se sont appropriés et ont travaillé la notion d’échange et les structures de la parenté au moment même où les anthropologues les remettaient radicalement en cause, ce dont un numéro spécial de L’Homme paru en 2000 témoigne Barry 20003. 4 Cette distinction a été proposée dans les années 1950 par le linguiste Kenneth Pike 1954-1960. Cl ... 3Ces difficultés soulignent la nécessité d’un travail attentif aux notions utilisées et à leur transfert d’une discipline à l’autre, fécond heuristiquement mais qui peut aussi créer des zones d’ombre et laisser des pistes inexplorées. La notion de maison » mérite d’autant plus un retour sur ses usages qu’elle a été l’un des cœurs des rapports entre histoire et anthropologie de la parenté durant les trente dernières années, dans leur complexité et leurs vicissitudes. L’objectif de cet article ne vise pas l’exhaustivité. Pour ce qui est de l’histoire, notamment, je me contenterai de la période moderne que je connais le mieux et qui a été centrale dans ce champ de recherche. Il s’agit ainsi à la fois de faire le point sur les apports et les évolutions des emplois de cette notion dans les deux disciplines, mais aussi de s’interroger sur les différents fils de significations qui, parfois, se mêlent dans un même terme et rendent la question du comparatisme en sciences sociales d’autant plus complexe qu’il n’est pas toujours aisé de démêler ces fils et les traditions intellectuelles auxquelles ils sont rattachés. La difficulté est encore plus grande lorsque, comme c’est le cas pour la notion de maison », le terme utilisé en sciences sociales est aussi un vocable qui vient du passé, dont le sens n’était pas nécessairement le même, et qui comme tout vocable a vu sa signification évoluer dans le temps. Derrière ces problèmes se pose bien sûr la question du rapport des mots aux réalités sociales qu’ils prétendent décrire, de la différence entre, d’une part, les descriptions produites par une société à une époque donnée, d’autre part, les outils forgés pour rendre compte des phénomènes sociaux dans le cadre d’une visée scientifique, différence emic/etic4 dont on ne saurait trop rapidement faire une frontière étanche. La clarification des notions employées est essentielle au travail des sciences sociales, à l’élucidation des phénomènes étudiés et au débat sur leur pertinence. C’est ce à quoi voudrait contribuer ce retour historiographique sur le concept de maison ». Claude Lévi-Strauss et la notion de “maison”, entre comparatisme et anachronisme5 5 Ce texte a été rédigé avant la parution du livre de Maurice Godelier 2013 qui reprend, dans son c ... 4La notion de maison », proposée par Claude Lévi-Strauss assez tardivement dans sa carrière, au milieu des années 1970, avec l’ambition de comprendre les sociétés cognatiques qu’il avait jusque-là laissées de côté, est devenue célèbre. Rappelons la définition qu’il en donne héritage matériel et spirituel comprenant la dignité, les origines, la parenté, les noms et les symboles, la position, la puissance et la richesse », la maison » se conçoit plus précisément comme [une] personne morale détentrice d’un domaine composé à la fois de biens matériels et immatériels, qui se perpétue par la transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne réelle ou fictive, tenue pour légitime à la seule condition que cette continuité puisse s’exprimer dans le langage de la parenté ou de l’alliance, et, le plus souvent, des deux ensemble ».Lévi-Strauss 1983a 1224 ; 1979 48 5Cette notion apparaît dans un article dont le premier titre, Nobles sauvages » 1979, pose expressément le comparatisme comme le cœur de la démarche intellectuelle qui a permis à Lévi-Strauss de la formuler. En revanche, dans La Voie des masques 1988, le texte fut republié en un chapitre intitulé L’organisation sociale des Kwakiutl », traduction du titre anglais d’un célèbre article de Franz Boas 1920, ce qui mettait l’accent sur l’objectif de son auteur dans le champ de l’anthropologie. 6Lévi-Strauss cherchait en effet à résoudre les difficultés auxquelles Boas s’était heurté pour interpréter la parenté chez les Kwakiutl, un peuple d’Indiens installés dans la partie nord-est de Vancouver et sur la côte qui lui fait face. Ce qui intriguait les anthropologues, c’étaient les aspects matrilinéaires de la parenté chez les aristocrates kwakiutl. L’époux peut y assumer le nom et les armes de son beau-père, devenant ainsi membre du lignage de sa femme. Les biens, titres, noms et les emblèmes nobiliaires se transmettent tantôt en ligne masculine, tantôt en ligne féminine, tantôt par filiation et tantôt par alliance. En revanche, l’autorité sur le groupe la gens », disait Boas lorsqu’il commença à travailler sur les Kwakiutl se transmet de père en fils le père est bien le chef de la famille. Dans son article fondamental publié en 1920, Boas renonce au terme de gens pour reprendre le vocable indigène de numaym. Il montre qu’il y a deux catégories de titres dans la noblesse kwakiutl ceux qui restent dans le lignage et ne peuvent en sortir ; ceux qui sont transmis au gendre par l’intermédiaire de la femme, pour ensuite passer aux enfants. Il n’y a pas de différence de nature entre ces titres. Boas note ensuite que les biens des numaym sont à la fois matériels et spirituels, et qu’en l’absence de fils, il arrive qu’un gendre succède à son beau-père à la tête du numaym de celui-ci. L’anthropologue germano-américain faisait de ce type de structure quelque chose sans équivalent dans les archives de l’ethnologie. 6 Boas avait déjà envisagé ce rapprochement avec l’Europe médiévale. Il indiquait qu’il était … /… po ... 7Claude Lévi-Strauss, au contraire, montre que l’on retrouve ce type de système ailleurs, en Polynésie et en Indonésie notamment. Les Yurok de la côte nord de la Californie, étudiés par Alfred L. Kroeber, fonctionnaient également de cette façon, même si leur ethnologue ne les avait caractérisés que négativement. Mais, pour qu’il en eût été autrement, dit Lévi-Strauss, il eût fallu que le concept de maison » fît partie des outils de l’ethnologie aux côtés de ceux de tribu, de village, de clan et de lignée. L’anthropologue français forge donc un concept adéquat grâce à la comparaison avec l’histoire du Moyen Âge européen. C’est en effet à partir de ses discussions avec Georges Duby et de sa lecture de Karl Schmid que Lévi-Strauss trouve dans l’Europe médiévale un terme et des éléments permettant de comprendre le système de parenté des Kwakiutl6. 7 Cité par Claude Lévi-Strauss 1979 47. 8Claude Lévi-Strauss cite Karl Schmid qui soulignait que l’Adelsgeschlecht ne coïncidait pas avec la lignée agnatique, et qu’elle était même souvent dépourvue de base biologique. Schmid renonçait à y voir autre chose qu’un héritage spirituel et matériel, comprenant la dignité, les origines, la parenté, les noms et les symboles, la position, la puissance et la richesse, et assumé […] eu égard à l’ancienneté et à la distinction des autres lignées nobles »7. Pour Lévi-Strauss, il n’y a dans tous ces travaux qu’une seule et même institution la maison », dont il donne la définition déjà citée. 8 Voir aussi le chapitre Structures familiales dans le Moyen Âge occidental », in Georges Duby 199 ... 9 Duby suit en cela Schmid, qui emploie toujours Haus accompagné de Geschlecht, comme une sorte d’équ ... 9Paradoxalement, le terme de domus n’apparaît jamais dans la documentation de Georges Duby. Analysant la mutation lignagère » qu’il voit survenir au xie siècle dans le Mâconnais 19728, l’historien utilise le mot maison », qu’il reprend de Schmid, alors que ce terme ne prit en français un sens lié à la parenté nobiliaire qu’au xve siècle. L’usage qu’en faisait Duby était donc anachronique, et il était de plus assez lâche puisqu’il le considérait comme un équivalent de lignage ou de race 1990 [1988], 1995 [1981]9. Lévi-Strauss, de son côté, tira les conséquences exactes des descriptions empiriques de Duby en les mettant en relation avec l’organisation des Kwakiutl, mais il entérina du même coup la confusion de vocabulaire faite par le médiéviste. 10 Montaigne fustige le vilain usage […] d’appeler chacun par le nom de sa terre et Seigneurie », pa ... 10Dans la suite de son article, Lévi-Strauss compare les différents biens en jeu chez les Kwakiutl et chez les indigènes de l’Europe médiévale, indiquant qu’ils forment un moyen de gouvernement ». Il insiste sur les manipulations de parenté à l’œuvre, encore relevées par Montaigne au xvie siècle10. Les deux points centraux de ce que l’anthropologue appelle les sociétés à maisons » lui semblent résider dans la dialectique de la résidence et de la filiation, et dans une équivalence fondamentale structuralement, la filiation vaut l’alliance et l’alliance vaut la filiation. Une des marques de la dialectique résidence/filiation est l’existence simultanée des noms de race et des noms de terre. La maison » est [une] création institutionnelle permettant de composer des forces qui, partout ailleurs, semblent ne pouvoir s’appliquer qu’à l’exclusion l’une de l’autre en raison de leurs orientations contradictoires. Descendance patrilinéaire et descendance matrilinéaire, filiation et résidence, hypergamie et hypogamie, mariage proche et mariage lointain, race et élection ».Lévi-Strauss 1979 53 11En élargissant son propos, Lévi-Strauss inscrit l’institution de la maison » dans une perspective évolutionniste. Son apparition correspondrait chaque fois à un même état de fait […] état où les intérêts politiques et économiques, qui tendent à envahir le champ social, n’ont pas encore pris le pas sur les “vieux liens du sang” comme disaient Marx et Engels. Pour s’exprimer et se reproduire, ces intérêts doivent inévitablement emprunter le langage de la parenté, bien qu’il leur soit hétérogène ; en effet, aucun autre n’est disponible. Et inévitablement aussi, ils ne l’empruntent que pour le subvertir ».Ibid. 54 12La maison » permet de donner, par le langage de la parenté, un fondement naturel – même s’il s’agit bien d’une fiction – aux entreprises des grands. La notion est donc liée, chez Lévi-Strauss, à une organisation des pouvoirs et à une hiérarchie sociale. 13Dans son cours au Collège de France de 1977-1978, Lévi-Strauss étend ses développements sur la maison » à d’autres sociétés, indiquant qu’il faut passer de la conception d’un substrat objectif à celle de l’objectivation d’un rapport rapport instable d’alliance que, comme institution, la maison a pour rôle d’immobiliser, fût-ce sous une forme fantasmatique » 1984 195. À partir de là, il développe l’idée qu’il est possible de transposer la notion de fétichisme, telle qu’appliquée par Karl Marx à la marchandise, à la maison » cette dernière est mieux comprise si elle est perçue comme une opération d’objectivation des relations que comme un phénomène substantiel. L’unité de la maison » relève en grande partie de la fiction. Elle masque les tiraillements internes et sous-jacents qui menacent de la fragmenter. 14Il existe, me semble-t-il, une tension dans la définition de Lévi-Strauss, entre la maison » comme structure sociale sur le modèle de la lignée, du clan ou de la tribu et la maison » comme résultat d’actions et d’une volonté pour maintenir une unité par les contraintes collectives. Autre façon de le dire, le problème se pose de l’articulation entre l’idée de sociétés à maisons », pensées de manière structurale comme les sociétés dont la parenté serait lignagère par exemple, et le fait que la maison » soit pleinement un phénomène hiérarchique, qui rend nécessaire un ensemble d’actions pour maintenir opératoire la fiction des relations que vient recouvrir le terme maison », et qui laisse penser que toutes les familles d’une société ne forment pas de telles fictions institutionnalisées. On peut donc admettre qu’il y a deux pôles dans la définition lévi-straussienne l’un qui insiste sur la pérennité du système et la volonté de reproduction à l’identique, l’autre, au contraire, qui met l’accent sur les processus de changements et sur la nécessité d’actions et de projets pour fonder, maintenir et reproduire une maison » sur plusieurs générations, ce qui impose une perspective historique dans l’analyse. La maison » s’inscrit, de ce point de vue, dans l’évolution personnelle de Lévi-Strauss, son rapprochement avec l’histoire et sa prise en compte de l’axe de la descendance qu’il avait entièrement écarté au profit de l’alliance Godelier 2013 65 et 197-225. Mais Lévi-Strauss n’a jamais lui-même étudié ou mis en route des recherches sur ces interactions au sein des maisons » et entre les maisons ». Quoi qu’il en soit, la notion de maison » met au cœur de son raisonnement la question de la transmission du patrimoine, matériel et symbolique, ouvrant la voie à un dépassement de l’analyse en termes de structures de la parenté. Ethnologie, histoire rurale et histoire de la famille famille-souche et “maison” 11 Pour une bibliographie et une historiographie des recherches sur la famille-souche dans les Pyrénée ... 12 Pour un point sur les études rurales dans cette filiation intellectuelle depuis le début des années ... 13 Sur Le Play et la famille-souche, cf. Louis Assier-Andrieu 1984 et Richard Wall 2009. Pour une ... 15C’est surtout chez les historiens et les anthropologues ruralistes français que la notion de maison » a été utilisée dans le cadre des études qui cherchaient à comprendre le rôle de l’héritage et de la transmission dans la structuration des familles paysannes passées des systèmes à maisons » ont par exemple été décrits dans le Massif Central, les Alpes et surtout dans les Pyrénées11. Pourtant, l’influence du concept de Lévi-Strauss est restée ténue. C’est en effet à partir d’une autre filiation intellectuelle que les maisons paysannes ont été analysées par des historiens et des ethnologues celle de la famille-souche » de Frédéric Le Play12, qui appela ainsi l’un des trois modèles familiaux qu’il forgea pour rendre compte de la famille dans l’histoire, modèle qu’il avait bâti à partir de ses observations dans les Pyrénées au milieu du xixe siècle Le Play 185513. Il y décrivait l’importance de la succession d’héritiers d’un patrimoine gardé intact, centré sur une maison et une exploitation, dans lesquelles vivait une famille élargie, qui n’avait pas la rigidité de la famille patriarcale antique ni l’instabilité de la famille contemporaine. Pour Le Play, la famille-souche était la meilleure organisation familiale possible, en fonction de laquelle il fallait réformer la société. 14 Trente ans plus tard, dans ses cours au Collège de France, Bourdieu réutilisa ses travaux sur les p ... 16Les travaux de Pierre Bourdieu, au début des années 1960, sur les paysans du Béarn 2002 réactualisèrent la famille-souche de Le Play à partir de l’examen des échanges matrimoniaux entre maisons maysous, mais en insistant sur la nécessité économique du maintien de l’intégrité des patrimoines fonciers14. C’est encore la filiation le playsienne qui domine dans les travaux du Cambridge Group for the History of Population and Social Structure, dirigé par Peter Laslett même si ce dernier était critique avec la catégorie de famille-souche, qui visaient, dans la suite des études de démographie historique, à classifier les groupes domestiques households pour déterminer la géographie des différentes formes familiales Laslett 1972. Cet objectif se retrouve chez Emmanuel Todd qui s’est attaché à compléter les catégories de Le Play en intégrant les données de classification des ménages dans une perspective diffusionniste expressément construite contre le structuralisme de Lévi-Strauss Todd 2011. Les études sur les Pyrénées furent largement tournées vers l’utilisation de la classification des ménages proposée par le groupe de Cambridge, tout en introduisant des critiques qui permirent la mise en évidence de cycles familiaux » Fauve-Chamoux 1984, en montrant que les familles changent de forme en fonction des cycles de vie de leurs membres Fine 1977. 17Au moment où ces travaux se développaient, Emmanuel Le Roy Ladurie donna à lire le livre de Jean Yver 1966 sur la géographie coutumière d’Ancien Régime à travers un prisme anthropologique, qui le conduisit à présenter les grands systèmes coutumiers de la France d’Ancien Régime comme grands systèmes de transmission opposant au pôle égalitaire et lignager » un pôle préciputaire et ménager » Le Roy Ladurie 1972, ce dernier recoupant en partie la famille-souche de Le Play. Dans la suite de cet article, le succès de son livre sur Montaillou 1982 [1975], qui abordait tous les aspects de la vie des maisons » ostals ou domus de ce village occitan au tournant du xive siècle, conféra une grande notoriété à ces systèmes de transmission du patrimoine. Les travaux d’André Burguière 2000 [1993] ont repris ces approches en insistant sur le partage entre une France égalitaire, située surtout au nord, et une France inégalitaire, principalement au sud, et en utilisant le terme maison » à la fois pour les régions de montagne dans lesquelles ce système existait et pour les élites nobiliaires. 15 Ni le reste de l’ouvrage ni le tome II paru en 1986 ne font référence à la maison » selon Lévi-St ... 18Les nombreuses études qui ont suivi sur la maison » paysanne n’ont pas été élaborées à partir de la notion proposée par Lévi-Strauss, mais dans la continuité des approches précédentes, les mots vernaculaires qui désignaient de telles maisons, à la fois comme lieux d’habitation et comme groupes familiaux domus, ostal, ostau, casa…, étant repris et interprétés à partir de la notion de famille-souche. Ce n’est que dans un second temps, dans les années 1980, que ces travaux d’histoire rurale ont rapproché la famille-souche de la maison » telle qu’envisagée par Lévi-Strauss. Encore celle-ci est-elle toujours restée à l’arrière-plan et peu utilisée expressément. De manière assez symptomatique, l’introduction d’Isaac Chiva et de Joseph Goy aux Baronnies des Pyrénées 1981 ne cite pas les travaux de Lévi-Strauss sur la maison »15. Et il faut noter que ce dernier ne s’est jamais appuyé non plus sur les travaux des spécialistes des maisons » paysannes dans ses propres recherches. 19Les ruralistes qui se sont penchés sur la famille-souche ont tous insisté sur la résidence comme principe d’organisation du patrimoine Barthélémy 2002, en raison de la dévolution de ce dernier à un héritier unique, et ce, bien au-delà de la Révolution française, jusqu’au milieu du xxe siècle. Pierre Lamaison 1979 s’est ainsi intéressé au cas du Gévaudan, où le statut social se forge principalement, comme dans le reste des sociétés paysannes en France, grâce aux modes de transmission de la terre et des biens, c’est-à-dire suivant un type de succession héréditaire non assimilable à la filiation proprement dite, mais qui ne lui est pas étranger. Les stratégies matrimoniales ne peuvent être perçues et interprétées qu’en se référant à ce mode de succession entre consanguins, fondé sur les ostals, véritables unités d’échange, formant un système stable. La coutume préciputaire consiste à instituer un héritier dans chaque fratrie et à l’établir au moment de son mariage. Aucune consanguinité n’apparaît entre proposants appartenant au même ostal ou à la même lignée patrimoniale, et aucun mariage ou presque ne se produit entre héritiers d’ostals différents. Des raisons semblables expliquent les deux phénomènes tous deux provoqueraient un effet de concentration des biens qui, d’une part, condamnerait nombre de cadets à la pauvreté véritable et, d’autre part, aboutirait à la disparition progressive de divers ostals, peu à peu englobés dans ceux qui auraient acquis une position dominante. 20Cette stabilité n’est cependant pas toujours aussi grande, bien qu’elle reste la norme. En Haute-Provence, les stratégies du père de famille sont orientées vers un triple but garder un fils héritier dans sa maison, conserver l’autorité sur la maison » le plus longtemps possible, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, et sauvegarder des biens suffisants autour de la domus pour que la famille élargie » vivant sous le même toit puisse se nourrir. En fonction des hasards de la donne, la stratégie du père oscille entre deux pôles le modèle nobiliaire, qui est de donner la meilleure part au fils aîné institué héritier et d’exclure les frères et sœurs ; et l’autre pôle, plus égalitaire, avec des conduites moins rigides, des changements possibles du choix de l’héritier au fur et à mesure du cycle familial, et un partage moins inéquitable du patrimoine entre les garçons Collomp 1983. 21Cette volonté de conservation est également soulignée par Anne Zink, pour qui certaines coutumes du Sud-Ouest de la France créent un système qui correspond au cœur de la définition proposée par Lévi-Strauss, puisqu’elles […] font de la maison le véritable propriétaire du patrimoine dont les héritiers successifs ne sont que des sortes d’usufruitiers et dont ils ne peuvent pas davantage disposer que s’il s’agissait d’un bien de main-morte. Dans ces conditions, la maison se perpétue comme une institution ».1993 486 22Des différences existent cependant. Dans les Baronnies des Pyrénées, le système coutumier imposait la transmission intégrale de l’héritage à un seul héritier. Les dots, qui correspondaient à la légitime, n’étaient pas données sous forme de terres, pour éviter le démembrement du patrimoine foncier, sauf en cas de pression démographique forte Augustins 1981. Mais l’héritier n’était pas choisi de la même façon selon que s’appliquait un droit d’aînesse absolue, voire une primogéniture intégrale, quel que soit le sexe de l’enfant premier né Arrizabalaga 1997, ou bien que les parents faisaient un aîné en choisissant l’héritier. Anne Zink 1993 s’attache de son côté à distinguer les différents types de maisons en fonction des différents droits réglant la transmission. Cette institution n’est désignée par un terme que dans le sud de la coutume de Dax, sous le nom de capcazal », dont le nombre est limité grâce à l’aînesse. C’est la capcazal qui a droit à l’usage des communaux, mais ses droits et son identité n’existent que par la reconnaissance de la communauté. On retrouve un type semblable, mais avec des variantes locales, en Béarn, en Bigorre et en Bidache. En revanche, à l’est du Lavedan ou de la vallée d’Aure, le système coutumier change. Zink indique que l’on peut interpréter les institutions d’héritiers et le recours aux substitutions que l’on observe dans ces vallées comme le signe d’un regret et comme un effort du monde paysan pour compenser la perte d’une coutume d’aînesse », mais qu’en réalité il y a là un comportement très répandu dans les pays de droit écrit et que, dès que pour sauvegarder l’unité de ce que nous appelions jusqu’ici les biens de la maison, il faut compter sur la bonne volonté du père de famille, les biens ne sont plus ceux de la maison, elle n’est plus un sujet de droit, il faut parler de patrimoine » Ibid. 487. 23En réfléchissant d’abord à partir des systèmes mis en place par le droit coutumier et le droit écrit, en ce qu’ils formalisent de manières différentes des relations entre ce qui est transmis et ceux qui transmettent, Zink s’éloigne de la définition englobante de la maison » selon Lévi-Strauss. Derrière des résultats qui peuvent paraître semblables, ces formalisations n’attribuent la même place ni au bien transmis, ni au chef de famille, ni à l’héritier. Ces phénomènes a priori équivalents cachent une réelle variété des organisations sociales et on ne peut mettre sous le nom de famille-souche la casa du Capcir, l’osta du Gévaudan ou l’ostau béarnais. 24Pourtant, malgré cette variété réelle, des logiques semblables apparaissent que les différents travaux sur ces familles-souches paysannes montrent bien, en s’attachant notamment aux pratiques et pas seulement au droit. Le monde décrit par Pierre Lamaison repose à la fois sur une grande stabilité des maisons » et sur une concurrence forte entre elles, qui s’accompagne d’une conflictualité réelle et d’une violence systémique Claverie & Lamaison 1982. On retrouve ailleurs cette tension entre la stabilité recherchée des maisons » et les luttes entre elles, le tout dans un monde inégalitaire créateur de liens de dépendance Assier-Andrieu 1982. Les “maisons” s’inséraient dans une hiérarchie fondée sur de multiples critères la richesse économique, les places politiques détenues, les honneurs accumulés, le prestige du nom. Alain Collomp montre également que les maisons » tentaient d’accaparer et de transmettre les charges communales qui renforçaient leur honneur et leur éclat. Tout cela créait des relations de parenté avec des familles socialement diversifiées et favorisait un clientélisme généralisé Pélaquier 1996. 25Les pratiques dévoilent aussi l’adaptabilité de la famille-souche, malgré les changements juridiques, notamment ceux de la Révolution, malgré aussi les déséquilibres démographiques qui ont progressivement modifié le système. Les recherches ont révélé que Le Play décrivait de manière idéale un système en fait déjà en crise et remis en cause en raison de la pression démographique, qui obligeait de plus en plus à l’exode rural Fauve-Chamoux 2009a et b et conférait une place de plus en plus grande aux femmes Fauve-Chamoux 2006. La subsistance des cadets était liée à l’existence d’une proportion de terres possédées en collectivité qui permettaient aux cadets non mariés de s’employer au service des maisons et de la communauté Zink 1993. Bien après la mort de Le Play, la pression sur ces communaux, la transformation d’un rapport à la terre devenue marchandise, le tourisme et les sports d’hiver, conférant de nouveaux usages à la terre et en faisant monter le prix, rompirent le consensus des cadets concernant leur exclusion, mettant fin à la prolongation du système des maisons » Assier-Andrieu 1981. Dans ses travaux sur le Béarn, Bourdieu 2002 montrait ainsi que l’on était passé du célibat des cadets au célibat des aînés, signe d’un changement de logique profond du système matrimonial. 26L’assimilation entre maison » au sens Claude Lévi-Strauss et famille-souche a, on le voit, été largement faite, plus ou moins explicitement, par les ruralistes français, qui se sont plutôt fondés sur la définition donnée par l’anthropologue en termes de structure sociale, plus congruente avec la perspective le playsienne et avec l’idée de recherche d’équilibre de la part des communautés paysannes, qui conduisait à une relative stabilité des maisons. On doit la plus forte théorisation de cette identification à Georges Augustins 1989 qui interprète la maison » ou famille-souche comme l’une des trois principales formes d’organisation sociale constituées par les règles de succession et d’héritage, aux côtés de la parentèle et du lignage. La maison » est conçue comme l’expression d’une forme de transmission dans laquelle domine le principe résidentiel mis en avant par Lévi-Strauss, ce qui a des conséquences sur la matérialité même de la vie paysanne. La définition du système à maison » proposée par Augustins est la combinaison de la succession unique et de l’héritage préciputaire » Ibid. 129, tandis que le lignage se définit par la combinaison de la succession segmentaire agnatique et de l’héritage sélectif, et que la parentèle associe la succession segmentaire cognatique et l’héritage égalitaire. Il s’agit là de modèles, les Pyrénées étant assez exceptionnelles par le degré de réalisation du modèle combinant la maison comme unité de base de la vie sociale, l’héritage préciputaire associé à la succession unique et le système dotal. Mais, le plus souvent, s’observent des situations de compromis entre principe parental et principe résidentiel Augustins 1986. 27Dans la suite de ces travaux, mais en reprenant plus fortement la notion forgée par Lévi-Strauss, Bernard Derouet écrit que les pratiques de transmission s’ordonnent autour de deux grandes logiques une logique de la filiation et une de la résidence. Dans le premier cas, le droit à l’héritage est purement déterminé par la parenté. Dans le second cas, ce droit est lié au rapport matériel et de nature, au fond, “sociologique” qu’on continue d’entretenir avec le groupe domestique et le patrimoine au sujet duquel se pose un problème de transmission ; l’on n’est héritier que si l’on est “successeur”, ici les deux notions ne sont pas dissociées » 1995 655. Dans ce dernier cas, l’héritage et la transmission ne sont pas un problème de transfert des biens et des choses entre les gens, mais un problème de place ou de situation que les individus occupent par rapport aux choses et aux biens. Il n’y a pas d’héritage au sens propre du terme, […] il y a seulement succession dans un bien, ou plutôt accession à une place » Ibid. 665-666. Cette logique s’accommode de règles coutumières différentes qui, de toute façon, ne revêtent pas un caractère d’obligation, sauf en cas de prohibitions expresses, et sont fonction dans les milieux paysans du type d’exploitation et de rapport à la terre Derouet 1997a. Ces pratiques de transmission sont évolutives, mais de manière non linéaire. L’apogée de la famille-souche se situe à la fin du Moyen Âge et son déclin est amorcé dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, selon Jacques Poumarède 2005. Pour Derouet 1989, les chronologies sont variables mais on peut voir dans ces systèmes inégalitaires des réponses aux crises de la fin de la période médiévale. Surtout, ils sont toujours liés à la rigidité du système social, quelles que soient les causes de cette dernière. Dionigi Albera 2011 a été encore plus loin en ce sens, en montrant que les facteurs politiques et juridiques, ainsi que leurs transformations historiques, sont cruciaux dans l’apparition et la perpétuation des maisons ». 28En 2009, Antoinette Fauve-Chamoux et Emiko Ochiai ont souhaité faire davantage la part des changements dans les communautés paysannes en étudiant les extinctions et les renouvellements de maisons », la transmission échouant plus souvent qu’on a pu le croire. Elles ont aussi proposé de distinguer famille-souche et maison » à partir d’une comparaison entre l’Europe et l’Asie. Pour elles, la famille-souche peut être ramenée à une définition minimale, à savoir la règle résidentielle et le fait qu’un seul enfant marié reste avec les parents. En Europe, la famille-souche a aussi été regardée comme une unité de production et de reproduction par la transmission du patrimoine inégalitaire, soit une corporation fonctionnant sur plusieurs générations. Le terme maison » peut être réservé à cette forme particulière de la famille-souche. Mais, étrangement, le propos des auteures rabat la maison » sur l’idéologie de la filiation unilinéaire, alors que c’est bien le principe de résidence qui est central dans leur définition. Sans doute vaut-il mieux considérer, comme le fait Derouet à la suite de Lévi-Strauss, que la dialectique entre résidence et filiation est le cœur de la définition de la maison », même si le principe de résidence peut parfois l’emporter. Noblesse et “maison” les ambiguïtés du langage 29Paradoxalement, alors que Lévi-Strauss se fondait sur ce qui était censé être la conception indigène de la maison nobiliaire dans l’Europe médiévale pour en donner sa définition, la notion de maison » a été beaucoup moins appliquée à la noblesse qu’à la paysannerie. Le modèle, peu suivi, a été fourni par Christiane Klapisch-Zuber qui s’en est servi pour analyser le patriciat florentin de la Renaissance. Mais c’est moins la définition de Lévi-Strauss, inscrite dans une problématique des structures de la parenté, que l’entité désignée par ce terme et que les Florentins appelaient eux-mêmes ainsi, qui l’a intéressée Des groupes de parenté solides, voire permanents, et dotés d’une personnalité autonome, permettant à leurs membres d’être pleinement identifiables et de s’affirmer publiquement dans la cité, tel est l’un des cadres de référence, et non des moindres, pour tout Florentin bien né. Ces lignages ou “maisons” case voient circuler entre eux biens matériels et symboliques – richesses, cadeaux, prénoms, honneur – et individus – femmes et parfois enfants. Les hommes, eux, sont stables, enracinés dans une identité lignagère intouchable ; les femmes, mobiles, objets et supports de l’échange entre “maisons”, se portent de l’une à l’autre ce sont leurs mouvements et les biens qu’elles enlèvent à l’une pour les introduire dans une autre que les ricordanze enregistrent avec prédilection, eux qui suscitent les rituels familiaux les plus élaborés, les mieux détaillés aussi par les chroniqueurs domestiques ».Klapisch-Zuber 1990 9 30Ainsi applique-t-elle la notion anthropologique dans une société où la parenté connaît une inflexion patrilinéaire très forte. Mais elle lui permet de prendre en compte dans l’analyse aussi bien la parenté lignagère que les marqueurs symboliques et le lieu concret de l’habitation, le tout sous un même nom désignant ce qui s’imposait comme une réalité sociale dans la Florence renaissante. 16 Pour une analyse inspirée de ces travaux, cf. aussi Valérie Deplaigne 2009. 31C’est à Michel Nassiet que l’on doit la reprise des travaux de Lévi-Strauss pour interpréter les phénomènes nobiliaires en France à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Dans une série d’articles 1991, 1994, 1995, il démontre, d’une part, que le nom et le blason répondaient à un système idéologique ancré à la fois dans la parenté et dans la résidence la seigneurie, d’autre part, que ces marqueurs de parenté et de résidence étaient manipulés et instrumentalisés, dévoilant la logique qui sous-tendait ces manipulations, dont le fondement se trouvait dans l’équivalence structurale entre alliance et filiation. Nassiet en conclut que la noblesse formait alors un système à maisons », système idéologique autant que système de parenté et de transmission, qui ne connut pas de modifications profondes au xviie siècle, à l’exception d’un net infléchissement vers la généralisation de la filiation patrilinéaire. Cette perspective a été reprise par Robert Descimon 1999 et inscrite dans l’ensemble des évolutions de la noblesse à l’époque moderne ; c’est aussi celle que j’ai adoptée dans mon propre travail Haddad 2009a. Par la suite, cependant, Nassiet s’est orienté vers une définition bien plus strictement patrilinéaire de la maison » noble, correspondant à ses propres évolutions dans l’analyse des phénomènes nobiliaires Nassiet 200016. Faisant aussi référence à Lévi-Strauss, Claire Chatelain 2008 a également utilisé la notion de maison » dans son étude des Miron, en insistant sur l’idée de patrimoine matériel et symbolique approprié collectivement. C’est cependant le phénomène lignager qui l’a intéressée au premier chef. 17 Pour une première approche des significations, à partir des dictionnaires et de quelques exemples, ... 32Ce biais dans l’emploi de la notion de maison » tient largement aux circonstances, mentionnées plus haut, de sa création. Reprenant ce terme à Duby, Lévi-Strauss reconduit l’anachronisme que l’historien commettait dans ses propres textes en se servant d’un mot apparu au xve siècle seulement. Cela a d’autant plus été source de confusions que la plupart des historiens ont utilisé le terme maison » dans le sens qu’il avait pris à la fin de l’Ancien Régime, où il désignait ce que les anthropologues appellent aujourd’hui le patrilignage17, et pas du tout dans le sens forgé par Lévi-Strauss. 33Récemment, Pierre Force 2013 a analysé une maison » de la petite noblesse béarnaise au xviiie siècle, en se fondant sur l’approche de Lévi-Strauss et en s’aidant des observations de Bourdieu sur la société béarnaise. La coutume qui régissait le Béarn créait un système à maisons » bien plus réglé que dans d’autres coutumes où la transmission des biens propres à un héritier unique n’était pas complète. Le cas qu’il examine, les Lamerenx, lui permet de mettre en évidence le fait que la relation entre société à maisons » et émigration ici vers l’Amérique était complexe. Si le premier Lamerenx à émigrer en 1729 est un cadet, comme les études le disent d’ordinaire, en revanche c’est un aîné qui part grâce à la mise en vente d’une prairie en 1764 le coût du voyage vers Saint-Domingue et de l’équipement était estimé à 1200 livres tournois. Pierre Force montre que le cadet aurait dû épouser une héritière, mais il aurait alors créé une dette par la dot sur la maison » que celle-ci n’était pas capable de soutenir. L’émigration était un choix moins coûteux, mais qui ne se traduisait jamais par un retour par l’intermédiaire d’un échange avec une autre maison ». Pour l’aîné, l’émigration était aussi un moyen de faire sa vie en dehors du système à maisons ». Elle provoquait alors, lorsque l’héritier laissait la place vide, un conflit entre le principe de filiation le droit d’aînesse et le principe de résidence. 34Dans la perspective béarnaise de Pierre Force, la maison » noble n’est pas différente de la maison » paysanne. Pourtant, la comparaison entre les approches de la maison » dans l’histoire rurale et dans l’histoire nobiliaire, par rapport à la définition de Lévi-Strauss, est instructive. Dans le premier cas, le fonctionnement est pensé dans le cadre de sociétés dans lesquelles le rapport entre héritage et succession est assez rigide, même si Augustins analyse l’existence de formes marginales de la maison » combinant succession unique et héritage sélectif, voire égalitaire. Les définitions proposées insistent sur le principe de résidence dans le mécanisme de parenté et sur la tendance des sociétés paysannes étudiées à une reproduction à l’identique où le nombre des maisons » doit rester stable. 35La situation n’est pas la même dans un contexte de compétition entre les maisons », ce qui est le cas dans la noblesse – chez les Kwakiutl comme en Europe –, où il n’y a pas de stabilité des maisons » mais où elles s’élèvent ou déclinent en permanence, certaines disparaissant. Dans les sociétés rurales, le nombre des maisons » était plus ou moins fixé par un consensus social qui passait notamment par la prohibition, dans les faits, du mariage entre héritiers. Dans la noblesse, les conséquences étaient différentes selon que la famille choisissait ce que Nassiet 2000 appelle l’ option froide », consistant à faire deux héritiers reprenant chacun une maison » celle du père et celle de la mère avec son nom, ou l’ option chaude », consistant à fusionner dans un même héritier les deux patrimoines, l’une des maisons » disparaissant alors pour s’incorporer dans l’autre. 36Les études articulant noblesse et maison » laissent donc devant une double difficulté. La première concerne les ambiguïtés de la notion qui, dans son acception vernaculaire telle qu’elle a évolué à la fin de l’Ancien Régime et telle qu’elle a été le plus souvent comprise par les historiens, porte avec elle l’idéologie patrilignagère qui a triomphé dans la noblesse aux xviie et xviiie siècles, et ne correspond pas au sens forgé par Lévi-Strauss. L’historien se retrouve confronté au même embarras que l’ethnologue, celui du rapport entre le terme forgé par Lévi-Strauss et le terme indigène. La seconde difficulté est de prendre pleinement en compte le rôle de la transmission, donc une approche sociologique et historique, dans le fonctionnement des maisons » nobles, c’est-à-dire toutes les actions nécessaires pour les produire et les reproduire comme fictions efficaces. Les perspectives récentes des anthropologues qui ont travaillé la notion de maison » de ce point de vue permettent de la reprendre afin d’interpréter des phénomènes concernant la noblesse d’Ancien Régime, tout en la distinguant des représentations – évolutives – que la noblesse se faisait d’elle-même et du sens qu’elle donnait au mot maison ». Nouvelles perspectives anthropologiques et historiques sur la “maison” 37Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre du concept de maison » de Lévi-Strauss. La première est qu’il n’accorde pas assez de place aux aspects matériels de la résidence. Bourdieu 2000 [1972] a largement contribué à développer cet aspect spatial et matériel de la maison-foyer dans ses études sur la Kabylie. Ce sont ces rapports entre la signification architecturale, sociale et symbolique de la maison qui ont aussi intéressé nombre d’anthropologues à partir du milieu des années 1990 par exemple, Carsten & Hugh-Jones 1995. Les composantes physiques et spirituelles de la valeur d’une maison ancrent les personnes à une place et à leurs origines ancestrales. Les identités des personnes sont ainsi inscrites dans le paysage, la maison physique fonctionnant comme un signe matériel de la mémoire sociale qui assigne les groupes à certains lieux Waterson 2000. Plus récemment, Klaus Hamberger 2010 a montré que la capacité transformative de l’espace de la maison est une caractéristique universelle, par laquelle une même structure sociale est représentée simultanément ou successivement de plusieurs points de vue. L’espace de la maison n’est donc pas la simple projection d’oppositions sociales, mais bien, comme le proposait Lévi-Strauss dans sa définition, l’objectivation d’une relation centrée sur l’alliance. 18 C’est la critique de Bourdieu 1993, valable en fait pour l’ensemble des termes de l’anthropologie ... 38D’autres critiques ont porté sur le fait que cette définition objective un concept anthropologique comme institution sociale18, et sur le fait qu’elle ne fait pas la part de l’historicité et de l’instabilité des processus sociaux de transmission qui rendent problématique la stabilité des maisons » et encore plus l’existence de sociétés à maisons » Joyce & Gillespie 2000. A aussi été contestée l’idée évolutionniste d’un passage de sociétés organisées par la parenté à des sociétés dont les fonctionnements politiques et économiques en seraient détachés, idée infirmée par les recherches des anthropologues. Godelier insiste sur le fait qu’il n’y a pas de kin-based society, contrairement à ce qu’a longtemps affirmé l’anthropologie sociale. Les rapports de parenté au sein de la maison » ne sont pas qu’un langage, comme le dit Lévi-Strauss, mais ils fonctionnent réellement, concrètement, comme des rapports d’appropriation et de transmission des conditions matérielles et sociales d’existence des maisons ». Les titres, les rangs, les blasons, les mythes, propriétés immatérielles des maisons », ne sont pas des faits de parenté, ils appartiennent à une composante de la société qui englobe tous les groupes de parenté et les met en permanence à son service pour se reproduire le système politico-rituel, qui fait exister la société comme telle, comme un tout, et la représente comme telle, comme tout » Godelier 2004 108 ; 2013 208-211. 39Toutes ces critiques portent sur le pôle structural de la définition lévi-straussienne de la maison ». Certains travaux se sont concentrés sur ce pôle, à l’instar de ceux publiés par Charles Macdonald pour qui, si la définition de la maison » est sans ambiguïté, l’expression de société à maison » a l’ambition d’appliquer la notion à une forme de société, d’en faire un type de structure sociale. C’est une extension de la définition initiale, que les contributions du recueil qu’il a dirigé concernant principalement Bornéo, les Philippines et les sociétés paysannes de Java, entendent tester et mettre à l’épreuve. Charles Macdonald 1987 suggère de distinguer la maison » comme groupe concret et la maison-fétiche » qui serait une représentation issue de la hiérarchisation de la société. Le problème d’une telle distinction est précisément qu’elle ruine ce qui fait la force de la notion proposée par Lévi-Strauss, qui repose sur le lien effectué entre une institution caractérisée comme personne morale, les rapports de parenté, et les relations entretenues entre des personnes et des biens matériels et symboliques constituant un patrimoine. La notion de maison » se dilue alors et devient applicable à pratiquement toute société. 40Au contraire, c’est l’autre pôle de la définition de Lévi-Strauss, qui insiste sur le processus de transmission et sur les conditions matérielles et sociales de l’existence des maisons », ouvrant la voie vers le dépassement du modèle structural de la parenté, qui a été approfondi par d’autres anthropologues, en renonçant à l’essentialisation des catégories employées pour se pencher au contraire sur les relations entre les termes anthropologiques et les termes indigènes utilisés Carsten & Hugh-Jones 1995 1-46 ; McKinnon 1995 ; Gillespie 2000. Cette perspective a amené à considérer les maisons » dans leurs évolutions afin d’insister sur les stratégies permettant d’acquérir, de conserver et de transmettre les fondements des statuts et du pouvoir. L’idée est que tous les groupes ne sont pas capables d’utiliser et de stabiliser certaines relations, manifestées par la parenté et les alliances, de façon à perpétuer un état de génération en génération. Un autre point est l’analyse de la dimension matérielle des maisons » ainsi que de leur dimension temporelle il y a un cycle domestique individuel à l’intérieur des maisons » et une des fonctions clés des maisons » est d’ancrer les personnes dans l’espace et de les lier dans le temps. Rosemary Joyce et Susan Gillespie 2000 montrent également un intérêt pour l’idéologie inhérente à la maison » qui est fondée sur la profondeur temporelle et valorisée par des biens hérités qui incarnent une mémoire collective du passé, ou font référence à une origine. Des narrations portent cette profondeur temporelle, ce lien entre passé et présent narrations prenant diverses formes et différents supports, pas forcément écrits qui est une valeur fondamentale dans ces sociétés. Enfin, les analyses doivent prendre en charge le contraste entre l’idéal – porté par les acteurs sociaux – de généralisation et de concentration de la valeur dans la maison », personne morale, et la particularisation de cette dernière dans des actions individuelles spécifiques, voire la dispersion de sa valeur, par exemple lors des échanges matrimoniaux qui font sortir certains de ses membres. Cette attention aux actions et aux positions individuelles dans la maison » conduit aussi à la réévaluation de la place des femmes, inégale selon les fonctionnements en maisons » qui, par exemple, favorisent plus ou moins la succession d’une héritière Fauve-Chamoux & Ochiai 2009. 41C’est dans la lignée de ces travaux qui considèrent la maison » à la jonction entre un système de pouvoir et des mécanismes de la parenté qui règlent la transmission du pouvoir, que j’ai analysé la noblesse française de la fin du xvie et du xviie siècle, notamment à partir du cas des comtes de Belin Haddad 2009a et b. Le contrat de mariage de Renée d’Averton avec Jean-François de Faudoas en 1582 portait la clause selon laquelle les enfants du mariage reprendraient le nom et les armes de Renée d’Averton. Son mari, lui, utilisa un blason qui écartelait les armes de Faudoas et d’Averton. L’écartelé était un signe de l’alliance et il permettait à François de Faudoas, issu d’une des familles nobles les plus anciennes de Gascogne, de rendre visible son patrilignage d’appartenance et d’en conserver le nom, tout en reprenant celui de sa femme. En revanche, son fils se conforma strictement aux vœux de sa mère et ne porta que les armoiries d’Averton. La filiation matrilinéaire l’emportait dans ce cas précis – pas complètement cependant puisque le nom de d’Averton fut moins utilisé que celui sous lequel fut connu François de Faudoas M. de Belin, du nom de sa principale seigneurie. Nom et blason étaient bien des signes exprimant au mieux des filiations, capables, dès lors qu’ils étaient transmis, de désigner des lignées ; mais ils ne correspondaient pas toujours l’un l’autre, ce qui est un moyen pour l’historien d’évaluer des rapports de force au sein de la parenté ainsi que des stratégies de l’alliance et de la filiation. La transmission dans la noblesse, à la fin du xvie siècle, n’était pas nécessairement patrilinéaire. Le cas des Belin est loin d’être unique j’en ai trouvé de nombreux autres. 42Les phénomènes d’alliance et de transmission des biens et des noms chez les comtes de Belin, et plus largement dans l’ensemble des familles que j’ai analysées, apparaissent tantôt comme étant indifférenciés, tantôt comme suivant une inflexion patrilinéaire, toujours recouverts par un ensemble de manipulations des discours symboliques qui tentent d’affirmer la continuité des biens et du nom. Tous ces éléments permettent de caractériser le système de la parenté à l’œuvre comme un système à maisons ». L’exemple des comtes de Belin montre que la constitution d’une maison » n’était pas une donnée acquise pour toute famille nobiliaire, mais que cela nécessitait au contraire un investissement matériel et symbolique permanent, une solidarité entre ses membres et un effort continué qui seuls permettaient à la maison » de se perpétuer et de jouer son rôle de reproduction – voire d’accroissement – des positions sociales et des formes de domination. 43Dans le système à maisons », l’aîné est celui qui appartient à la terre et à qui la terre appartient » Bourdieu 1980 257. Plus généralement, c’est un système dans lequel les choses possèdent les hommes autant qu’elles en sont possédées. Dans les systèmes à maisons » paysans, la reproduction sociale est pensée en fonction d’un critère de communauté de résidence, de travail et de patrimoine, et non en fonction d’un critère d’unifiliation Derouet 1995. Mais, dans le cas de la noblesse, la multiplicité des possessions foncières amenait les pratiques de transmission à ressortir à la fois à une logique de filiation et à une logique de résidence, en fonction de l’importance accordée à la seigneurie possédée. Ce qui signifie que la transmission ne s’organisait autour de la notion de bien inaliénable, immobilisé, que pour un certain nombre de terres auxquelles la maison » était attachée et sur lesquelles se concentrait l’investissement symbolique Haddad 2009a 129-137 et 143-144. Le jeu de la transmission était de ce point de vue plus ouvert, et les possibilités d’ascension et de déclin plus grandes. 44Les maisons » n’avaient donc rien de stable, elles évoluaient sans cesse au gré des alliances, des apports et des pertes de patrimoine, du nombre d’individus qui les formaient, des capacités d’enracinement dans des seigneuries, des charges possédées par leurs membres, des réussites ou des échecs des transmissions. De sorte que l’analyse du phénomène des maisons » nobiliaires doit prendre en compte toutes ses dimensions, matérielle, symbolique, temporelle, spatiale et sociale. 19 Ce développement s’appuie sur l’exposé intitulé “Familia accipitur in jure pro substantia” Barto ... 45Les contemporains ne pensaient pas les choses très différemment. D’une façon générale, les auteurs qui, sous l’Ancien Régime, se penchent sur la noblesse, accordent une grande attention aux marques distinctives et de reconnaissance des maisons, et les Mémoires évoquent régulièrement leur ancienneté, leurs alliances, leur honneur, leur illustration au service des rois et leur richesse la substance de la famille suppose des biens, un patrimoine matériel et symbolique19. Cette conception substantialiste de la famille noble, qui réunit un nom, des symboles et des individus liés par la parenté, permet de faire le rapprochement avec la notion anthropologique qui désigne un corporate group et prend ainsi en charge le rapport complexe entre l’individu et le collectif qui informe la conception de la parenté nobiliaire à l’époque moderne. De ce point de vue, on peut considérer qu’une maison » était de nature crypto-corporative lorsque la solidarité fonctionnait entre ses membres, une unité pouvait être créée autour d’un nom, unité largement identifiée à son chef et qui acquérait une visibilité sociale et une capacité d’action Weary 1985. 46La notion de maison », considérée comme une entité de nature crypto-corporative, permet de repenser la question des stratégies sociales élaborées par les familles et celle de la hiérarchie sociale en incluant toute la complexité du rapport individuel/collectif qui se déployait au sein des maisons nobiliaires. La hiérarchie était en effet double à la fois entre les maisons » et entre les individus au sein des maisons » Lamaison 1979. De plus, la hiérarchie sociale était également perçue en fonction de la renommée de chaque maison », donc de leur histoire, et n’était pas le simple résultat de classements socio-économiques ou politiques. La hiérarchie des honneurs, le poids symbolique d’un nom entraient également en ligne de compte. Ce phénomène se perçoit dans les mariages, dont l’inégalité économique pouvait être largement compensée par une inégalité symbolique inverse. L’historien, lorsqu’il se penche sur ces questions de hiérarchie sociale, doit donc réintroduire dans ses analyses la temporalité, inscrire les individus dans un cadre collectif et une durée. 47Le fonctionnement de la parenté nobiliaire amenait à créer un intérêt collectif qui s’imposait en partie aux membres de la maison » selon leur position à l’intérieur de celle-ci, sans que la détermination sexuelle entrât obligatoirement en compte. L’apport des femmes était fondamental pour la perpétuation d’une maison » noble, comme le montrent aussi bien l’exemple des comtes de Belin que ceux des Mesgrigny ou des Vassé Haddad 2009a, 2010, 2015. Ces éléments combinés expliquent les variations fortes de pouvoir qui existaient parmi les femmes. Cela n’était d’ailleurs pas propre à celles-ci, les hommes se trouvant aussi dans des situations très contrastées selon leur place dans la maison » et la puissance de celle-ci. Les discours avaient beau assimiler le chef de famille et le père, le fonctionnement de la parenté nobiliaire était porteur de pratiques qui octroyaient cette place et le pouvoir qui l’accompagnait aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Certes, les hommes étaient plus souvent en mesure d’exercer le pouvoir paternel et d’avoir autorité sur les femmes. C’étaient d’abord les héritières, principalement les veuves se retrouvant, par les hasards démographiques, en situation de chef de famille, et ayant obtenu leur indépendance juridique, qui étaient dans une position favorable – occurrence quasi structurelle en raison de la différence d’âge entre les époux. Mais les héritières n’étaient pas les seules femmes en mesure d’exercer un pouvoir. Les femmes bien dotées, dont les biens s’agrégeaient au patrimoine de la maison » dans laquelle elles s’intégraient, qui avaient des enfants et dont le statut social était comparable à celui de leur mari, pouvaient fort bien jouir de marges d’action non négligeables. 48L’utilisation de la définition de Lévi-Strauss pour la noblesse d’Ancien Régime amène à insister sur ce qui lie les relations de parenté à tout un ensemble de processus sociaux, économiques, à la hiérarchie des statuts, au prestige, au pouvoir, aux droits sur la terre, etc. Bref, elle conduit à s’intéresser à des interactions permettant d’aboutir à une compréhension de phénomènes sociologiques dans leurs évolutions et non à en rester à une simple description structurale de formes de la parenté. On peut dès lors réinvestir la notion de catégorie proposée par Bourdieu. L’interrogation doit porter sur le degré de réalisation de la famille et sur qui peut la réaliser sous forme de maison ». Toutes les familles n’étaient d’ailleurs pas tendues vers un tel objectif, et certaines purent faire les frais, sous forme de conflits notamment, de l’effort à consentir pour l’atteindre Chatelain 2008, 2010. Mais c’est bien la transmission qui permet de comprendre les enjeux de parenté à l’époque moderne. Dans le cas de la maison », ce patrimoine est le support de la politique de continuité et le fondement de l’identité, il joue le même rôle, au niveau du système, que celui de la filiation dans le système unilinéaire Derouet 1997b. 49Mais il faut alors s’interroger sur l’historicité de cette forme de réalisation de la parenté. À partir du cas des comtes de Belin, j’ai pu montrer qu’il n’est guère possible de suivre les hommes du xviie siècle dans leur tentative pour penser les formes de la parenté de manière essentialiste et fixiste. Le système de la maison » lui-même connut des évolutions corrélées aux changements des pratiques d’alliances et de transmission dans la noblesse, ainsi qu’à la mutation de la définition même du second ordre. Le mode de perpétuation de ce groupe évolua dans le sens d’un renforcement de la contradiction entre le principe de concentration et le principe de pérennité Dedieu 1998 qui fondaient les maisons ». Dans les manipulations perpétuelles qui permettaient aux maisons » de renaître de leurs cendres, un changement prit place au cours du xviie siècle, la montée d’une conception étroitement patrilignagère de la noblesse qui ôta au système sa capacité d’adaptation, affaiblissant le système de la maison » Haddad 2009a 368-369. Le renforcement de l’idéologie patrilignagère trouva son expression officielle dans la définition de l’ordre nobiliaire imposée par la monarchie. Il triompha progressivement avec les grandes enquêtes de Colbert et les travaux des généalogistes du roi, à partir des années 1660. Cette définition reposait sur la reconstruction des patrilignées et sur la transmission de la vertu noble par le sang, tout autant que sur la capacité du roi à anoblir. Or, la conception patrilignagère du second ordre entrait en contradiction avec certaines pratiques qui relevaient du système à maisons », dans lequel la transmission pouvait prendre des formes indifférenciées. Cela contribua très rapidement à obscurcir en partie les significations de ces pratiques. Dès la fin du xviie siècle, des jugements négatifs étaient portés sur les alliances dans lesquelles les femmes avaient imposé au mari de relever leur nom et leurs armes. Aussi, face aux accidents démographiques ou politiques qui furent toujours un réel risque pour les nobles, les lignées furent davantage menacées d’extinction Delille 2003, 2007. 50On peut formuler l’hypothèse d’une crise générale des maisons » comme représentations même si, dans les usages sociaux, il y eut persistance des pratiques de manipulation des liens de parenté et des représentations anciennes, qui pouvaient s’accommoder en partie des évolutions propres au second ordre. Ces évolutions étaient d’ailleurs sujettes à des contestations ou à des comportements qui différaient de la norme attendue Descimon 1999. Les infléchissements patrilinéaires se firent dès la fin de la période médiévale avec le renforcement de l’aînesse liée à la reproduction des dignités Clavero 1994 ; Sabean, Teuscher & Mathieu 2007. Mais la patrilinéarité ne l’emporta jamais complètement. Le système de la maison » ne disparut pas, les manipulations et les formes de transmission ne changeant pas de manière radicale, mais il s’affaiblit. De toute façon, la stabilité n’existait que dans les représentations dans la pratique, les altérations étaient permanentes. Le patrilignage affirma sa légitimité idéologique supérieure, mais c’était une construction largement illusoire qui, à l’instar de la maison », doit être étudiée comme un ensemble de pratiques et de représentations tendues vers des objectifs de transmission en rapport avec les données sociopolitiques et économiques de l’époque. 51* 20 Pour un contrepoint très voisin, cf. Christiane Klapisch-Zuber 1990. 21 L’auteur insiste notamment sur les inégalités et les relations d’ethnicité et de genre parmi les Ef ... 52Le décalage entre le sens précis donné par Lévi-Strauss au mot maison » et son sens à l’époque moderne me conduit à utiliser des guillemets chaque fois que j’emploie le terme dans son acception anthropologique. Mais cette différence emic/etic est relative. Les deux significations ont en commun de faire des maisons des entités substantielles crypto-corporatives, des corporate groups20. Il me semble qu’un des intérêts de la notion de maison », soutenu par des anthropologues comme Roy Richard Grinker 199421 ou Roxana Waterson 1995, est qu’elle permet de faire émerger des phénomènes qui resteraient cachés sans cela. Elle a donc une valeur heuristique mais à condition de ne pas croire que, par son usage, l’historien décrit une essence sociale ou la nature de la société nobiliaire. Certes, l’application du terme à la noblesse d’Ancien Régime ne va pas sans difficultés, notamment dans le rapport entre le terme anthropologique et la notion utilisée par les contemporains. Mais les mots ne sont pas la clé ultime de la réalité. La maison » chez Lévi-Strauss est une formation sociale qui ne peut s’appliquer à toutes les sociétés anciennes. Un concept des sciences sociales est un outil pertinent à partir du moment où l’on reconnaît ses caractéristiques essentielles dans une société que l’on étudie. Mais l’application de cet outil fait nécessairement travailler le concept mis en relation avec le matériau empirique chaque société à des propriétés particulières et les phénomènes observés ne prennent sens que dans l’ensemble des relations auxquelles ils sont articulés et qui font structure Guerreau-Jalabert 2007. L’historicité rend le concept instable, mais cette instabilité est à la fois la conséquence inéluctable du passage d’une discipline à l’autre, d’une méthode à l’autre, et la condition nécessaire pour faire apparaître certains fonctionnements d’une société et leurs évolutions. Elle est productrice de savoir.
Avantde vous décider, il est important que vous arriviez à faire la différence entre eux. Une maison est une construction indépendante tandis qu’un appartement fait partie d’une maison divisée en parties indépendantes. La disponibilité des espaces intérieurs et extérieurs. Les charges de locations et entretien du logement.
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Nos aînés sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les maisons partagées. Pour vos parents, cela pourra présenter de nombreux avantages, mais peut-être aussi quelques inconvénients. Dans cet article, nous allons donc vous présenter le principe et le fonctionnement des maisons partagées pour personnes âgées. On parle de maison partagée », mais il peut s’agir de n’importe quel type d’habitation, comme un appartement. L’idée, c’est de reprendre les codes classiques de la colocation, et de les décliner pour les séniors. Il s’agit donc d’un lieu de vie regroupant plusieurs personnes âgées, lequel comprend un espace personnel en général une chambre, et des espaces communs. Ces derniers, comme la cuisine ou le salon, sont autant d’opportunités de passer du temps avec ses colocataires. On peut s’y retrouver pour cuisiner, regarder la télévision ou partager les repas. Notons que ces colocations pour personnes âgées ne sont pas médicalisées, ni aménagées pour les personnes à mobilité réduite. Elles conviennent donc à des personnes encore autonomes. Avantages des maisons partagées quand on est un sénior La colocation entre séniors dans une maison partagée répond à plusieurs besoins. Voici une présentation des divers avantages de ce mode de vie Une colocation pour séniors est financièrement avantageuse D’une manière générale, vivre en colocation coûte moins cher que vivre seul. Le loyer est divisé, ce qui pourra particulièrement intéresser les locataires des grandes villes, où les loyers peuvent être très chers. Mais ce sont aussi tous les autres frais qui sont allégés, comme les abonnements et les factures qui sont divisés par le nombre de colocataires. La colocation en maison partagée permet aux séniors de rompre la solitude Quand on arrive à un certain âge, la solitude peut être difficile à vivre. C’est pourquoi de nombreuses personnes âgées sont tentées par la colocation, car elle permet de vivre au quotidien auprès d’autres personnes de leur génération. 💡 Bon à savoir Pour être certaine de rompre la solitude de votre proche, vous pourrez aussi lui offrir l’écran connecté LiNote. Ce dernier permettra à votre parent de recevoir des appels en visio de toute sa famille ainsi que de délicates attentions comme des petits messages et des photos. S’il se sent seul, votre proche pourra également vous appeler sur votre téléphone en effectuant une simple pression sur la touche qui contient votre photo. En effet, LiNote est capable d’enregistrer jusqu’à 8 numéros fixes et/ou mobiles, facilement accessibles depuis l’écran d’accueil de l’appareil. Pratique, n’est-ce pas ? Elle offre un plus grand sentiment de sécurité Beaucoup de personnes préfèrent être entourées pour se sentir en sécurité. On résout en effet plus facilement les petits tracas quotidiens lorsqu’on vit en communauté, et on peut veiller les uns sur les autres. Les tâches sont partagées Il est plus agréable de s’occuper des corvées de la maison en compagnie d’autres personnes que seul. Et cela permet d’alléger le cahier des charges. Le ménage des espaces communs, les courses ou la vaisselle par exemple, pourront être faits à tour de rôle. Les colocations pour personnes âgées permettent de prolonger l’autonomie Vivre en communauté est une excellente façon de continuer à être sollicité sur le plan intellectuel comme sur le plan physique. De cette façon, on reste autonome plus longtemps. Les colocations sont très pratiques quand on a des plantes et des animaux Toute personne ayant chez elle des plantes ou des animaux sait quels problèmes d’organisation cela pose pour les départs en vacances. Qui pour arroser les fleurs, et pour nourrir minou ? Grâce à la vie en colocation, on trouve plus facilement quelqu’un pour s’en occuper en notre absence. Les maisons partagées pour séniors tranquillisent leur entourage C’est très rassurant pour les proches de savoir que leur parent âgé est entouré de personnes bienveillantes. Ainsi il ne souffre pas de la solitude, et au moindre besoin, on peut être prévenu très rapidement. Inconvénients des maisons partagées pour séniors Les colocations en maisons partagées pour séniors présentent les mêmes inconvénients que toutes les autres colocations. Le tout premier défi est de trouver des personnes avec qui on souhaite partager son quotidien ! Voici les sujets qui pourraient poser problème, et dont il faudra discuter avant l’installation Les nuisances sonores Certaines personnes ont une plus grande tolérance au bruit que d’autres. Les instruments de musique, le bricolage, ou le volume de la télévision sont autant de sujets dont il faut discuter sérieusement avant d’emménager ensemble, surtout à un âge où les problèmes d’audition sont courants. L’argent Partager son quotidien avec des personnes n’ayant pas le même train de vie peut parfois poser problème. Envies divergentes sur l’aménagement de l’appartement ou problèmes de paiement, la question des finances doit être abordée sans détour. Les animaux Nous n’avons pas tous les mêmes perspectives au sujet des compagnons à 4 pattes. Les séniors désirant vivre en colocation doivent s’assurer que leurs futurs colocataires partagent leur amour pour les animaux. Les visites C’est souvent sur le long terme que l’on voit apparaitre des discordes à ce sujet. Il faudra donc toujours être attentif à discuter ensemble des ressentis de chacun. La durabilité d’une colocation entre séniors repose sur la capacité de tous à traiter des sujets qui fâchent ! Aides financières pour les maisons partagées en location Louer une maison partagée pour séniors peut donner droit aux mêmes aides au logement que les autres projets de location. À savoir L’Aide Personnalisée au Logement ou APL Il s’agit de l’aide la plus courante. Elle est délivrée par la CAF. Son montant est soumis à un calcul complexe comprenant notamment les revenus de la personne et le loyer du logement. Pour avoir une idée du montant de l’APL auquel vos parents pourraient avoir droit, le mieux est de faire une simulation sur le site de la CAF. L’Allocation de Logement Sociale ALS Elle peut être attribuée dans le cas où une personne n’aurait pas droit à l’APL. Mais son principe est le même, puisqu’il s’agit d’une aide délivrée par la CAF pour le paiement du loyer. Comme l’APL, l’ALS peut être directement versée au propriétaire du logement ou au locataire. La garantie Loca-Pass Il s’agit d’un dispositif permettant une garantie de paiement du loyer sur 18 mois, en cas d’impayés. Cela signifie que si votre parent rencontre des problèmes de paiement du loyer, l’argent pourra lui être garantie Loca-Pass est attribuée par les organismes d’Action Logement. Mais son attribution est limitée à certains cas. Seuls les retraités depuis moins de 5 ans qui étaient salariés d’une entreprise non agricole peuvent en bénéficier. Par ailleurs, cette garantie n’intervient que si le logement est loué par une personne morale », c’est-à-dire une société ou un groupement de personnes. Cela exclut donc les logements loués par un propriétaire direct. Notons qu’en cas d’intervention de la garantie Loca-Pass, le locataire a 3 ans pour rembourser sa séniors intéressés par cette garantie pourront vérifier leur éligibilité et en faire la demande sur le site d’Action Logement. D’autres aides financières existent. Vous en trouverez la liste complète dans notre article sur les aides financières spécifiques aux personnes âgées ». Comment trouver une maison partagée pour séniors ? Il y a deux façons d’intégrer une maison partagée pour les personnes âgées. On peut soit créer sa colocation avec des proches que l’on connait déjà, et avec qui on souhaite vivre. Il faut alors déposer un dossier auprès d’une agence ou d’un propriétaire, comme pour une colocation classique. Soit on passe par un site d’annonces de colocations pour séniors tel que par exemple. Les annonces y sont relativement nombreuses. Avec cette solution, on rejoint une maison déjà habitée dans laquelle il reste une place. Aussi faudra-t-il bien s’assurer d’être sur la même longueur d’ondes que son futur colocataire ! Si tel est le cas, cela pourrait donner lieu à une belle rencontre. Tout savoir sur… Les MARPA Les MARPA sont des résidences autonomies construites en milieu rural. Ce type d’hébergement … Les résidences autonomie Votre proche vit seul et se sent isolé ? Vous aimeriez qu’il puisse continuer à vivre sa vie de manière… L’accueil familial Les familles d’accueil séduisent beaucoup de personnes âgées par leur simplicité, leur coût et… Les maisons de repos Aussi appelées maisons de convalescence, unités de moyens séjours et SSR établissement…
| Хей иδакис мኺկ | Χեлοкօшубр илиኞеፀуቹиз ιбротըхепс | Θклօн ጀօզሡծозуሬ зጦፗе |
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| Εբθሦևχα ጯаጮ βαст | Գոχи թሐժеց | Օбοцոሆθ էዧуслոбрե васիዢևтрич |
| Иνыбрևռαբը э | ሔшεщеፋեр ω | Дуцатв ашаτуπαв |
| Щетвአц чиσеնощաц νεጷ | ድ баςащувሶ в | Озвеֆицኝφ м |
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